Chroniques

FESTIVAL DE LA ROQUE D’ANTHÉRON JOURNÉE BEETHOVEN ÉPISODE 1

La célébration du 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven n’a bien sûr pas échappé à René Martin: elle occupe dans la programmation du Festival International de Piano de la Roque d’Anthéron une place de premier ordre: quatre journées  lui ont été consacrées. L’une autour des pianistes Pascal Amoyel et Etsuko Hirose (le 6 août), deux journées entières pour l’intégrale de ses 32 sonates pour piano (les 7 et 8 août), et enfin une journée pour l’intégrale des cinq concertos pour piano, dans leurs transcriptions avec quintette à cordes (le 11 août). Une pléiade d’artistes étaient invités pour les interpréter: autant de personnalités musicales venues donner « leur » Beethoven. Autant de regards différents sur l’œuvre pianistique la plus impressionnante de l’époque classique. 

 

De l’appassionata à l’opus 101

Nous y sommes le 8 août, pour les deux derniers concerts de la journée. Les Sonates sont jouées dans l’ordre de leur numérotation et nous allons entendre pour commencer la n°23, la célèbre « Appassionata » et toutes celles qui suivront jusqu’à l’ultime, la n°32, opus 111, tard dans la nuit. Suivant le rythme nouveau, nous reprenons le chemin caillouteux de l’Espace Florans, sous le vert des hauts platanes, pour le concert de 17 heures. Pas moins de six sonates se succèdent sans entracte. La jeune Nour Ayadi, à seulement 21 ans, pianiste bardée de récompenses, mais aussi étudiante à Sciences Po, ouvre la série. La Sonate N°23 opus 57 capte sous ses doigts vifs une lumière magnifique. On est ravi par son jeu net, un rien perlé, conduit dans une belle tension dynamique. L’andante con moto avance dans un tempo parfait, sans s’appesantir, très chanté, la main gauche au contrechant expressif. Puis quel souffle dans l’allegro final et son crépitant déluge de notes! Quelle belle énergie, qui jamais ne faiblit! Une interprétation qui nous emporte dans une tornade finale époustouflante.

Claire Désert joue la Sonate N°24 opus 78 « À Thérèse »,  et la Sonate n°26 opus 81a, « Les Adieux ». La première, tant aimée de Beethoven, trouve ses accents tendres sous le toucher sensible de la pianiste, et son allegro vivace une gaité empreinte de fantaisie. La deuxième commence aussi par un adagio cher au compositeur, introduit par ses trois premiers accords chargés d’émotion. La profondeur et la sincérité expressive de ce mouvement augurent une très belle interprétation, mais la suite sera malheureusement altérée, par des défaillances techniques bien inhabituelles, preuve que cela arrive aux plus experts et dans les circonstances les moins attendues!

Nous découvrons Kojiro Okada, âgé lui aussi de 21 ans, brillant élève d’Anne-Lise Gastaldi, d’Hortense Cartier-Bresson et de Florent Boffard, dans la Sonate n°25 opus 79 « Alla Tedesca ». Il a déjà, dit-on, plus de dix sonates de Beethoven sous les doigts, et cela s’entend. Son jeu est sûr, précis, ancré dans le clavier, et il possède une patte sonore à lui, ronde et sans sécheresse. Le presto pris sans précipitation révèle un art soigné du phrasé, l’andante, le sens de l’équilibre et la fluidité du chant, et le vivace témoigne d’une approche souple et sensible, bourrée d’esprit. L’aisance de ce jeune pianiste et l’homogénéité de son jeu emportent notre admiration. 

François-Frédéric Guy, notre « Docteur es Beethoven », interprète la Sonate n°27 opus 90, une de ces si charmantes sonates en deux mouvements dont le cycle est parsemé. Magnifique! Quelle imagination, quelle tendresse romantique, quel soin dans l’expression recherchée dans tous les recoins de ses mesures! Tout cela sans sacrifier l’architecture. Il nous fait entendre un piano qui se confie, et s’offre le plaisir du chant dans le rondo à la très habile suspension finale. 

Jean-Efflam Bavouzet est lui aussi un grand spécialiste des sonates dont il a également enregistré l’intégrale. Il clôture le concert avec les feux éclatants de la splendide Sonate n° 28 opus 101. Après la tendre conversation et les rêveries de l’allegretto ma non troppo, où les deux mains chantent d’égal à égal, le vivace alla marcia a l’allure décidée et le pianiste y répand tout un vocabulaire de couleurs apportant relief au contrepoint clairement énoncé, le rythme pointé tenu fermement de bout en bout. L’adagio ma non troppo con affetto respire dans une douce profondeur nocturne, avant l’évocation du tendre thème initial, entrecoupé de points d’orgue suspensifs. Le pianiste bondit littéralement vers le dernier mouvement allegro ma non troppo, lui insufflant un incomparable esprit de vie, dans un enthousiasme ignorant la difficulté contrapuntique. La rudesse archaïsante de la fugue est adoucie par un pianissimo d’où part une arborescence sonore brillamment conduite vers la coda et son dernier rappel thématique. 

Plus de deux heures de musique ont passées sans qu’à aucun moment le temps n’ait paru long. Une pause à présent, un rafraichissement, quelques pas dans le parc, avant le marathon des quatre dernières sonates… 

Jany Campello

Le Festival se poursuit jusqu’au 21 août. Pour réserver: http://www.festival-piano.com

crédit photo: Christophe Grémiot

1 commentaire

  1. Ceci est une commentaire, pour test après mise à jour

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