Dimanche 2 août, direction le Château de l’Empéri, lieu d’ancrage du festival. Quoiqu’en soirée, le public est venu en famille, pour le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns. Auparavant, fidèle à la philosophie du festival, le programme enchaîne quelques raretés au concert, offertes en découverte. Des œuvres choisies et réunies ce jour dans un esprit de réjouissance musicale. Pour commencer, le Trio pour clarinette, violoncelle et piano de Nino Rota, joué par Paul Meyer, Aurélien Pascal et Éric Le Sage, nous rappelle que ce compositeur qui a bâti sa réputation avec la musique de films, fut l’auteur d’une dizaine de concertos, autant d’opéras, de quatre symphonies, et de quantité de pièces de musique de chambre. Une musique séduisante et qui invente à elle seule son cinéma, avec ce vivant trio en trois mouvements, le premier alerte, l’andante à la suave mélodie, le dernier joyeux et facétieux.
Qui connait Léo Smit, ce compositeur néerlandais du début du 20ème siècle, mais français dans l’âme et jusque dans ses notes? François Meyer (hautbois), Gilbert Audin (basson) et Benoît de Barsony (cor), Emmanuel Pahud (flûte), Paul Meyer (clarinette) rejoignent Éric le Sage dans son Sextuor composé au début des années trente. Belle découverte que cette œuvre radieuse, à l’insouciante légèreté! Qui imaginerait, à entendre cette musique au caractère si optimiste, la fin tragique de ce compositeur? Le premier mouvement très coloré n’est pas sans rappeler Poulenc, sans pour autant posséder le mordant et le second degré de sa musique. Le lento met en valeur la splendeur du cor et son tendre duo avec le hautbois. Le vivace fait entrer tour à tour les instruments dans un pimpant contrepoint mélodique.
La soirée se poursuit avec une œuvre plus familière, les Variations sur un thème de Paganini pour deux pianos, de Witold Lutoslawski, dans une flamboyante et décoiffante interprétation de Lucille Chung et Alessio Bax. Un interlude contemporain suit, avec une création de Karol Beffa: Double Reed Loop, pour clarinette et basson, est une succession de quatre séquences où s’entrelacent en boucle les parties de basson et de clarinette, à armes égales. Le dialogue s’installe entre les deux instruments sur un rythme au goût sud-américain, se poursuit en canon, devient pas de deux sur les notes répétées, et tourne « jazzy » dans la vivacité de sa dernière séquence.
Enfin le très populaire Carnaval des Animaux de Saint-Saëns rassemble sur scène Daishin Kashimoto et Maja Avramovic (violons), Joaquín Riquelme García (alto), Claudio Bohórquez (violoncelle), Olivier Thiery (contrebasse), Emmanuel Pahud (flûte), Paul Meyer (clarinette), Lucille Chung et Alessio Bax (pianos), et Emmanuel Curt (xylophone). Le texte de Francis Blanche dit par Natacha Régnier dispute à la musique son humour et sa savoureuse moquerie. Le Lion rugit à souhait, les Poules et Coqs sont on ne peut plus bavards, on cherche en vain le Coucou derrière les rangs de spectateurs, les Tortues avancent dans leur archi-lente célérité jusqu’à s’endormir sur place, l’empressement soudain de l’Éléphant à la fin de sa pesante danse est irrésistible, les ultra-rapides doubles croches des Hémiones sont parfaitement synchrones, et les gammes des Pianistes…pas du tout, comme il se doit! Bravo au duo pianistique qui commet avec un art consommé de délicieux accrocs, des pains hilarants, des décalages improbables, rabâche les exercices avec bravoure, et finit par faire des progrès tels qu’il s’offre la coquetterie d’un ornement! Le célèbre Cygne remporte tous les suffrages, le public craquant pour le charme langoureux du violoncelle. La soirée s’achève dans la liesse de la grande parade finale…d’animaux démasqués!
Jany Campello
(Concert enregistré par France Musique. Date de retransmission non communiquée)