Chroniques

PRINTEMPS DES ARTS DE MONTE-CARLO BIBILOLO

Sur scène des objets insolites, leurs ombres portées, des artistes-manipulateurs, des sons électroniques, des bruits, des couleurs, des images projetées. Opéra de chambre, sans acteurs, ni chanteurs, qui ne raconte rien, ou mille choses, voici Bibilolo ! Imaginé par Marc Monnet qui en a écrit la musique, Arno Fabre a mis en scène ce spectacle en douze tableaux, donné le lundi 5 avril au Théâtre des Variétés de Monte-Carlo. Une heure de plaisir, de légèreté, et d’émerveillement.

 

Bibilolo: l’imaginaire et la poésie sans frontières 

Après le piano et le clavecin, les claviers électroniques. Trois pianistes (Laetitia Grisi, Julien Martineau et Stéphanos Thomopoulos) à cour et jardin tiennent la partie musicale entièrement composée avec des sons de synthèse modelés et inventés par Marc Monnet : une partition originale au parfum « vintage » des légendaires DX7 des années 80 et 90, qui nous embarque dans un « imaginaire sans frontières, à la fois léger, heureux et parfois même tragique », selon les mots de l’auteur. Sur le plateau, et sur ces drôles de sons, foison d’objets dont les ombres portées en toile de fond esquissent un ballet poétique, une scène animée peuplée de jouets radiocommandés, de robots, d’animaux, d’oiseaux, dont certains s’envolent vers les cintres. Un peu comme ces lampes de chevet qui projettent aux murs des chambres d’enfants, fées, bestiaires, ou paysages le soir à leur coucher, préludes aux rêves nocturnes. Nous entrons dès lors dans l’univers de la fantaisie et du chimérique, non loin de celui du peintre Jérôme Bosch, dont la musique explore ensuite longuement le Jardin des Délices et sa multitude de détails projetés en gros plans. L’action? Il n’y en a pas une, mais plusieurs et simultanées, qui échappent à la linéarité temporelle et sa logique. Le mouvement? Constant et en lien synchrone avec la musique, l’émergence et la combinaison des sons, les pianistes « déclenchant automatiquement des moteurs et des lumières grâce à des contrôleurs numériques et au suivi informatique de la partition », comme l’explique Arno Fabre. Les objets prennent vie, tel ce porte-manteau qui fleurit et se déplace sous nos yeux avec son corbeau perché ; ils deviennent ainsi objets sonores faisant leurs numéros comme sur une piste de cirque. Dans Bibilolo, la machinerie est apparente et incarnée : les manipulateurs et marionnettistes qui évoluent sur scène sont au service des objets qu’ils déplacent ou actionnent manuellement, dans une cinétique fluide.

Un balai-nettoyeur amoncelle les objets entre deux tableaux, un pantin lunaire au visage blafard (entre les mains de Latifa Le Forestier) semble chercher on ne sait quoi dans la nuit, de hauts draps blancs balancent et dansent en duo sur des scansions sonores, se tenant par une main imaginaire…L’imagination voyage au gré des scènes, au gré des sons. Marc Monnet nous invite à jouer avec lui, à retrouver notre âme d’enfant, en témoigne son apparition projetée en vidéo : nous le voyons mimer les sons inventés par lui par centaines, des mouvements de son visage rieur et malicieux…On sourit, on écarquille les yeux avec lui, nos oreilles s’ouvrent sur ce monde sonore et visuel en perpétuelle transformation, en captent la musique joyeuse et colorée et toutes ses gourmandises. Et ces sortilèges revisités donnent alors des ailes à nos rêves. 

 

Cette 37ème édition du Printemps des Arts s’est clôturée le 11 avril. Une page se tourne sur mille souvenirs, mémoire vive du festival, alors que Marc Monnet, qui en a écrit l’histoire dix-neuf années durant, s’envole vers un autre sud. Puissent sa vision, son travail unique et exemplaire servir de modèle là et partout ailleurs ! 

Bruno Mantovani lui succède désormais. Nous lui souhaitons autant de plaisir à la direction de ce festival et une éclatante édition inaugurale 2022 débarrassée des contraintes actuelles, devant un public au grand complet.

 Jany Campello

Bibilolo, Opéra de chambre en douze tableaux pour objets manipulés et claviers électroniques. Marc Monnet, compositeur ; Arno Fabre, mise en scène ; Éric Dubert et Latifa Le Forestier, constructions et manipulations ; Frédéric Blin, lumière et interprétation vidéo live ; Joris Guilbert, recherche et création vidéo ; Laetitia Grisi, Julien Martineau et Stéphanos Thomopoulos, pianos, Thierry Coduys et Sylvain Nouguier, informatique musicale.  

 

crédit photos © Alice Blangero

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *